A propos de l’auteur:
Laurent Raffalli, Steward et pilote ULM, passionné d’aviation depuis son plus jeune âge, d’aéromodélisme et de lecture, de livres, BD et magazines d’aviation.
Après une sélection pilote de chasse à 19 ans ratée pour cause de trop grande taille , je me suis retrouvé par hasard à la sélection steward d’une grande compagnie Française à l’âge de 30 ans.
PPL dans la foulée (pour envisager une sélection interne pour « passer devant »), puis quelques années plus tard j’ai découvert l’ULM. J’ai acheté un pendulaire, puis l’ai revendu pour un 3 axes.
Là, j’ai commencé à faire de vraies navigations et à me prendre pour un pilote de ligne !
Et justement, fort de toutes les heures passées dans les cockpits de Boeing ou d’Airbus, mine de rien j’ai acquis une certaine rigueur quant aux briefings et check-lists que je voyais s’égrener lors des différentes phases de vol.
J’ai donc pris l’habitude de gérer mes propres vols avec, dans une certaine mesure, la rigueur d’un pilote de ligne.
Vérifications (« tour avion ») avant chaque vol, même pendant les étapes, bilan de masse, quantité de carburant largement suffisante (parfois trop !), météo sur tout le parcours, interdiction formelle de passer outre la sécurité (pas de « on top »sans visibilité au sol, pas de vol trop tardif après le sunset, briefing et check-list papier dans le cockpit, pas de vol en cas de météo incertaine …)
Et justement, concernant les navigations assez longues, j’ai pris l’habitude de plusieurs choses.
Premièrement, je prépare ma nav’ sur ma tablette mais également sur une carte papier que je garde à portée de main dans mon cockpit. De temps-en-temps j’y jette un coup d’œil, ça me donne une idée plus globale du vol et des zones que je vais rencontrer. La tablette c’est bien, mais zoomer et dé-zoomer pour savoir où on va c’est pas toujours pratique ni vraiment représentatif.
J’ai également mon téléphone portable en secours, sur lequel j’ai la même application de navigation, prêt à être utilisé en cas de panne de tablette. Je porte ce téléphone dans ma poche au cas où je devrais évacuer l’avion rapidement. Si je le sors durant le vol pour faire une photo, je le remets immédiatement dans ma poche.
Deuxièmement J’ai une check-list « silencieuse » (comme celle que j’utilise dans mon métier), en cas d’atterrissage forcé, de feu à bord ou de remise des gaz (« comment j’ouvre la verrière », « si je remets les gaz quel sera mon cap »…)
Enfin, lorsque j’ai tracé ma navigation sur la tablette et sur la carte, je reporte plein d’infos sur un log, clipsé sur une tablette rigide que je porte sur la cuisse. Pour plusieurs raisons :
-en vol, lorsque je dois changer une fréquence, les chiffres sont trop petits sur la tablette et mes yeux n’y voient plus assez ! J’ai bien-sur une paire de lunettes à portée de main mais c’est plus facile de lire sur mon log la fréquence suivante. De même, lorsque le SIV me donne une fréquence ou une info, je peux écrire sur mon log papier. J’y note également des infos importantes (altitude max par exemple) ou bien des fréquences que je n’avais pas prévues.
-je ne trace pas seulement le parcours tout droit de A à Z, mais également des points de passage, ou de déroutement. En effet, si mon réservoir de carburant me permet 3h de vol, ma vessie ne le permet pas !! Et pour avoir déjà testé de voler jusqu’au bout avec une envie pressante en se disant que « ça va le faire », je préfère me poser avant que ma vessie n’explose ! Ces points de passage sont des « verticale terrain », qui certes rallongent légèrement mon parcours, mais me permettent de prendre une décision rapide si je dois m’y poser et je prépare toujours en stand-by sur ma radio la fréquence de ces terrains. Une fois la zone de ce terrain passée, je prépare la fréquence du terrain suivant.
Finalement, ça m’occupe et ça me permet d’être toujours « devant l’avion » et jamais « derrière ».
De même, j’ai déjà expérimenté le déroutement dû à la météo, et j’étais bien content de savoir quel était le terrain le plus proche. Sur mon log papier je trace sommairement la ou les pistes qui sont disponibles, à quel endroit je ferais le TDP (« au Nord », « au Sud », « main droite ou main gauche »…) et j’écris la fréquence du terrain. Toutes ces infos sont répertoriées sur les cartes VAC que je consulte lors de ma préparation de vol. Rien de plus stressant que de consulter une VAC en vol quand on en a vraiment besoin à l’instant T, pour connaitre l’orientation des pistes, la zone et l’altitude du TDP (même si les appli permettent d’afficher une partie de cette VAC en surimpression du fond de carte).
Je me suis retrouvé une fois dans une situation sans avenir, avec un ciel qui s’est bouché à une vitesse folle (orages prévus avec une intensité moyenne qui s’est transformée en forte intensité), avec devant moi un front qui devenait infranchissable et un plafond qui baissait en forme d’entonnoir.
Je n’avais pas prévu de déroutement sur cette courte navigation (environ 1h), et le stress qui montait en moi m’a presque fait perdre tous mes moyens. Je dois dire que la présence d’un AFIS ce jour-là m’a énormément aidé à ne pas faire d’erreur et à me poser sur la bonne piste, dans le bon sens et en toute sécurité.
On peut comprendre assez facilement le rapprochement entre mon métier et ma passion. Avant chacune de mes rotations, je dois aller à un briefing-équipage. On nous rappelle toutes les procédures, on a parfois des petites interrogations orales, et on envisage le ou les vols pour toute la journée. Une fois à bord, je dois vérifier l’emplacement de tous mes éléments de sécurité (extincteurs, cagoules de protection respiratoire, oxygène de secours…), et nous avons des « briefings contextuels » pour tout l’équipage lors de certaines phases de vol. Enfin, une « check-list silencieuse » nous est demandée lors des décollages et des atterrissages (« comment s’ouvre ma porte », « où se trouvent mes éléments de sécurité », « que dois-je faire en cas d’évacuation »…)
Finalement, cette rigueur qui m’est demandée pour mon travail me permet une certaine rigueur pour moi-même lorsque j’exerce ma passion, et ça ne me dérange pas du tout.
Ça peut paraître parfois un peu trop, après tout je ne vole pas très haut ni très vite, je ne transporte pas plus d’ 1 passager (et encore, rarement !), et mon zinc est plutôt sécurisé grâce à son parachute !
Mais je trouve que ça fait partie du plaisir de voler. Après tout, préparer son vol c’est déjà se mettre en condition et envisager tout ce qu’on va vivre, avec délectation et impatience !
Se préparer mentalement, envisager un déroutement, c’est se retirer un maximum de stress et se préparer à profiter pleinement du vol !