De Lille à Montauban, une belle navigation en autogire à travers la France
J’ai fait connaissance de Jérôme Prompsy, un passionné de la vibration (chacun son truc) qui m’a fait un réglage rotor aux petits oignons un jour de tempête cet hiver à Amiens.
Vu les conditions, on n’avait pas pu terminer les mesures proprement. Du coup je me suis décidé à venir le voir chez lui à Montauban le 27 juin pour terminer les essais, l’occasion d’une belle nav’ du nord au sud.
Une navigation, ça commence par la préparation du vol. Le relevé des fréquences, l’étude des zones à traverser, les notams, les ZIT, zones R, AZBA, SUP/AIP et autres zones P … Et quand on doit traverser tout le pays, ben mine de rien ça prend du temps. Je termine dans la nuit à 1h30 du mat’ mais avec un cahier de vol qui me semble propre. C’est rassurant. Dodo, et le lendemain réveillé à 6h00. Ça c’est l’excitation mais aussi sans doute un peu de stress. C’était une nuit courte, je suis un peu dans le pâté et vaguement inquiet, est ce que je suis en forme pour la longue journée qui s’annonce ? Une bonne douche pour se remettre les idées en place puis examen des données météo du jour. Louis Bodin sur RTL indique que des orages se forment au-dessus de Bordeaux et que la cellule va se déplacer dans la journée du Sud-Ouest vers l’Est. Super, c’est exactement la trajectoire que je dois traverser. Sur le reste de la France le temps est calme et chaud, 30 ° à l’ombre. Je regarde la carte TEMSI, à cette heure matinale seule la carte de 06h00 UTC est disponible. Pas de prévision encore disponible pour la journée.
OK, réfléchis calmement Steph, ton étape c’est Blois pour refueler, et clairement jusque-là il n’y aura pas de danger météo. Le temps d’y arriver il sera temps d’aviser sur place en fonction de l’évolution. J’enfile un café, sac à dos, et mon vélo direction l’aérodrome de Lille Marcq (LFQO). En pédalant dans la fraîcheur du matin la motivation remonte, en fait c’est déjà là que le voyage commence, l’envie de voler devient très forte et balaye les doutes et le stress.
Pré-vol attentive, on remplit le réservoir à fond (82 Litres), le gyro semble en pleine forme, rien à signaler. Dernier checks Notam et météo Lille et Blois, la machine est sortie, prête à s’élancer, le ciel est bleu et il fait déjà 24 °. Il est 09 heures. Alignement sur le 35 et décollage, c’est parti !!!
Virage gauche, et cap vers Blois, entrée en contact avec la SIV de Lille qui va me suivre jusqu’à Beauvais. Altitude de vol choisie à 4000 Ft QNH. L’air est calme ce matin, je regarde les éoliennes en bas, un vent de face d’environ 20 km/h me ralentit un peu. Pas grave mais ce n’est pas super pour la consommation. Je suis heureux d’être là, la campagne défile, puis les terrils du bassin minier, avant des champs colorés. Je passe sur la fréquence Beauvais que je prévois de traverser verticale de l’aéroport. Là c’est le fief de Ryanair, ça cause sur la fréquence tour entre les 737, les pilotes se saluent, c’est marrant.
La tour me demande d’attendre sur ma position avant de croiser les axes. Je fais deux 360° puis j’aimerais bien poursuivre, le contrôleur m’y autorise au prix d’un détour par l’ouest de Beauvais. Je m’exécute puis je descends à 2000 Ft pour aborder la région parisienne et passer sous les espaces contrôlés de CDG. Je dois néanmoins entrer dans la TMA du Bourget, appel radio, ça ne capte pas. Je réitère, rien à faire. Un autre avion prend le relais et m’avertit que le contrôle du Bourget m’a détecté mais ne parvient pas non plus à me contacter. Suis pourtant sur la bonne fréquence mais bon, ces problèmes de contact radio ne sont pas rares, et moi ça m’arrive souvent en région parisienne. On me demande du coup de passer sous la TMA, soit sous 1500 Ft.
Pas de problème, mais face à moi j’ai du coup la CTR de Pontoise. J’appelle le contrôleur qui m’indique que son espace est interdit au gyros ! Cool, mais j’aimerais bien éviter un nouveau détour, j’insiste poliment et il m’autorise le transit. Passé la CTR ce sont Les Mureaux. J’insiste pour capter Le Bourget et remettre de l’eau sous la quille, toujours sans succès. Du coup je passe bas sur la banlieue Ouest, l’usine Renault de Flins défile sous mes pales, mais entre ça ou remonter dans la TMA sans autorisation j’ai choisi.
Ensuite arrive la forêt de Rambouillet. Je tente de contacter SIV Chevreuse, encore sans succès, et visiblement je ne suis pas le seul. Je poursuis à 1500 Ft, elle est immense cette forêt, elle est belle aussi. Là j’évalue que sur plus de 30 km en cas de pépin je n’ai pas d’autre échappatoire qu’une autorotation sur les arbres.
Le gyro tourne comme une horloge, mais je suis soulagé quand les plaines de la Beauce apparaissent. Je capte Seine info et je remonte à 4000 Ft pour terminer la première étape.
Je suis lâché sur l’AFIS de Blois. Nouvelle belle surprise. 2 avions de voltige font un show au-dessus du terrain à mon arrivée. Ils sont sur la fréquence tour et s’échangent des « top » et des instructions de figures. L’AFIS m’indique que c’est à moi d’assurer l’espacement, super d’atterrir avec les deux voltigeurs qui enchaînent vrilles et rases mottes dans l’axe en face.
On se retrouve au sol, les pilotes m’expliquent qu’ils préfèrent être sur la fréquence tour même s’ils sont interrompus car ils ont besoin de savoir ce qui se passe sur le terrain. Eux ils se connaissent par cœur de toutes façons. C’est vrai c’est logique.
L’accueil à Blois est super sympa, je refais le plein, le pompier me donne un coup de main et me propose de me mettre dans la salle des pilotes à l’ombre pour prendre du repos. Il y a une manifestation sur l’aérodrome, les visiteurs sont agglutinés en grappe sous les parasols et la tireuse à bière est en surchauffe. Il fait 32 ° à l’ombre. Pas pour moi bien sûr, mais ça fait du bien de manger un morceau, et se dégourdir les jambes après 3 heures de vol. Plus les échanges improvisés avec les gens du coin.
14 heures, il est temps de repartir en plein cagnard, ça transpire sous la verrière. Décollage par la 30, virage à gauche et montée à 4000 Ft on retrouve de la fraîcheur. Il y a de la convection, quelques turbulences malgré que le gyro soit une machine très stable. Le paysage, ce sont des champs jaunes à perte de vue, un peu monotone. La Loire est toujours belle et majestueuse, à droite j’aperçois le Château de Chenonceau.
Après la courte nuit de la veille, avec la lumière éblouissante plein sud, un peu de somnolence s’installe. A la différence de la voiture je suis certain que je ne m’endormirai pas au manche en vol. Il y a doit y avoir une espèce d’adrénaline qui nous tient éveillé, mais je sens une certaine baisse de vigilance.
Puis en approchant de Limoges le paysage change à nouveau, la verdure, les bois réapparaissent, plus de villages et d’habitation aussi, c’est joli. Je suis à nouveau pleinement opérationnel et je profite du vol. Limoges apparaît sur la gauche, me semble très grande et j’essaie de repérer quelques monuments. Je passe verticale de l’aéroport puis passe sur Clermont info, toujours à 4000 Ft.
Le paysage est de plus en plus vallonné. La contrôleuse du SIV Clermont a une voix très douce, très agréable. Elle ne chôme pas et passe son temps à chercher les différents avions qui sont en coupure de fréquence, ça doit être fréquent dans le Massif central. En tout cas moi je me régale avec le paysage, toujours à l’écoute de cette dame vraiment très agréable et rassurante. C’était le 27/06 vers 16h00, si jamais elle se reconnaît.
Et puis le voyage touche à sa fin, accompagné du SIV Toulouse. Vers Cahors le survol de la région est incroyable, c’est vraiment très beau, dans la campagne on aperçoit de belles bâtisses, de grandes fermes, parfois un petit château, tout est très vert après toute la pluie de ce printemps.
Et enfin c’est la descente vers Montauban. L’aéroport a une belle piste en dur de 970 mètres, à la limite de la ville, dans une zone très urbanisée. Du coup dans le circuit d’approche on profite vraiment de la ville rose de Montauban, magnifique dans la lumière ensoleillée avec sa cathédrale. Au loin coule le Tarn. Je m’aligne pour atterrir sans encombre sur la 31. La chaleur est toujours bien présente. J’arrive au parking où m’attend mon ami Jérôme Prompsy avec son garçon. Merci à eux d’être venus m’accueillir.
Extinction moteur, il est 17 heures, heureux d’être arrivé, la tête pleine des images, des échanges et des expériences de vol de cette longue navigation du nord au sud. Déjà motivé pour la prochaine nav’, ce sera pour le lendemain Montauban – Cahors – Bourges – Melun, puis après un weekend parisien Melun – Lille. Quel bonheur de piloter !