L’Ode à l’éclaireur

La Za, épanouie, décolle de son champ vendéen sur son autogire M22 et derrière Henry son pilote favori, par cette belle journée du 19 mai 2023. Pascal, après nous avoir coucounés dans son appart parisien, décolle avec nous de sa base de Meaux sur son autogire M16. Dans Koblenz, cette magnifique ville allemande, nous reprenons un peu d’altitude…dans un téléphérique pour « survoler »la confluence du Rhin et de la Moselle et ses trains de chalands pleins de conteneurs ou de Mercedes. La forteresse d’Ehrenbreitsein est en fête. Les participants sont en tenue d’époque, je dirais du Neandertal au vingtième siècle. De beaux soldats tirent des salves d’une dizaine de canons, à nous faire pêter les tympans. Nous remontons sur l’airport, en visitant les vignobles en terrasse, pour accueillir Jérôme, auquel je remets ma courte place de leader, et Cherifa.

Rendez-vous au Danemark

Le but est un rassemblement d’autogire sur l’île de Samso au Danemark. J’ai quand même négocié le mois dernier :

Za : Je viens, à condition de visiter Stockolm.

Henry : Bon, ok...

Donc, nous suivons maintenant l’autogire Eclipse vers Amsterdam. La météo pour le moins pas terrible, nous fait dérouter plusieurs fois et notre route zigzagante, nous emmène le lendemain sur Haderslev, petite piste sympa, où les hangars sont bourrés… de vieux tacots de collections. Le propriétaire du terrain nous en prête deux, et nous passe les clefs de sa villa dominant la mer. Le rassemblement ne commençant que dans deux jours, nous traversons le Danemark, refewlons à Eslov en Suède, et atterrissons sur une petite piste privée appartenant à un gros châtelain (le château, pas le bonhomme), propriétaire d’un autogire participant au rassemblement.

Balaise, sa femme (le château, pas la bonne femme) nous dresse une table sur la terrasse et nous sert un gouter copieux et sucré. Légèrement mesquin, ils ne nous invitent pas à partager leurs nuits dans cette maison pleine de chambres et de tableaux de maitre. Légèrement vexés, Malmö (prononcé Malmeueuhhh !) nous consolera. Agréablement surpris par cette grande ville, nous y passons la journée. Pendant que Jérôme et Pascal visitent des sites contemporains (dont je me méfie un max), la Za et moi enchainons la forteresse médiévale, le bord de mer, les ports, les églises et les nombreux jardins bien arborés. Après avoir survolé le château du fils du gros châtelain et de sa piste perso (des gens qui gagnent à être connus), nous filons sur l’île de Samso. La réception est chaleureuse. Nous avons la joie d’y retrouver Mustapha qui arrive de Turquie dans son Calidus. Super pilote avec qui nous avions visité son pays en 2019. Pas moins de 16 autogires sont présents.

Dans la patrie du vélo, nous en choisissons un parmi la trentaine à notre disposition. 12km pour déposer nos affaires à l’hôtel, 12km pour revenir diner, 12km pour retourner nous coucher. Le lendemain, nos mollets devenus du béton, un organisateur ayant pitié de notre grand âge et nous regardant marcher avec grande difficulté, nous convoiera en voiture. Un gueuleton très joyeux au club, terminera ce weekend bien sympathique. Un participant habitant au sud de Stockholm, venu en voiture trainant son autogire juste pour le tour de l’île en vol, nous regarde d’un air hébété, quand on lui annonce d’où l’on vient et où l’on va. Cherifa reprend un avion à Copenhague pour reprendre le boulot. En 4h40, nous atteignons Frolunda, superbe piste que j’avais testée en 2011 en direction du Cap Nord, où trop pressé d’atteindre mon but, je n’avais pas pris le temps de visiter Stockholm. Nous nous y rendons en train. Quel bonheur d’arpenter cette ville pour le moins maritime, puisque cette Venise du nord baigne dans la mer Baltique et est constitué de 14 îles et de 50 ponts. De nombreuses vieilles coques à voiles et à vapeur à quai où, se déplaçant parmi ces nombreux canaux et bras de mer, nous voyons même un bus naviguer et quelques minutes plus tard rouler au milieu de la dense circulation.

Changement de programme

Henry : Dis donc Jérôme, tu ne crois pas qu’au lieu de reprendre le même chemin de retour, il serait plus sympa de rentrer par la Finlande et les pays Baltes ?

Jérôme : Pas con ! Ok Henry.

Et nous voilà survolant les 6500 îles entre ces deux pays. Ce sera le seul moment où la Za se plaindra du froid. Elle se bonifie avec le temps la petite ! De Nummela, petite ville pas terrible à 100 bornes d’Helsinki, nos quatre autogires traversent tranquillement le golfe de Finlande, à une portée de missile de Saint Pétersbourg. Au-dessous, tout le monde est sur le qui-vive. Les sous marins russes croisent nos unités adverses, l’Otan est en manœuvre sur toutes la frontière Estonienne, bref toutes ces parties présentes sont à couteaux tirés. Une toute petite étincelle pourrait se transformer en conflit mondial et nous, inconscients, ravis, la fleur au fusil, survolons benoîtement tout ce bordel. Nous ne serons pas l’étincelle. L’île de Saaremaa, à l’extrême ouest de l’Estonie et sa ville de Kuressaare, nous calme l’esprit en écoutant une charmante chorale d’enfants sur sa grande place. Après avoir tutoyé Riga, la capitale de la Lettonie, le club du Kupiskio au milieu de la Lituanie nous déroule le tapis rouge. Est attribué au jeune couple du groupe, la Za et moi, la plus belle chambre du club, pendant que l’autre couple, Jérôme et Pascal dorment sur une courte banquette où leurs quatre pieds nus dépassent de ce qui sert de couverture. Le sommet de l’Otan à Vilnius, à la frontière Biélorusse, a lieu dans un mois et nous allons vérifier que tout est au point. Nous constatons effectivement que des chapelets de grosses bagnoles et leurs contenus sont déjà en place pour préparer cette réception…à nos frais ! Ce qui ne nous empêche pas d’admirer cette vieille ville médiévale et son architecture baroque remarquable. Nous prenons grand soin de passer pile poil entre Kaliningrad, enclave russe sur la baltique et la frontière Biélorusse espacées de 80km.

Après avoir traversé la Pologne, nous tombons sous le charme de Karloky Vary en Tchéquie, petite ville thermale avec sa source chaude dont le geyser jaillit à 12m de haut. D’ailleurs, la taxe démesurée de cet aéroport nous donne un coup de chaud, mais c’était sans compter sur la détermination de notre leader qui
remettra les choses au point après moult discussions. Non mais ! Mustapha laissera son Calidus à Elchingen (Allemagne), pour une grosse révision. Nous nous quitterons à Saint Dié et ce sont encore les Feuillette à Beaulieu-sur-Loire qui nous recevront à déjeuner avant notre conclusion en Vendée.

Savez-vous ce qu’est un bon leader, un vrai ?

Sur mon pendulaire remuant, il fut un temps lointain où je voyageais seul, ou avec ma femme hurlant dans mon casque 80% du temps, aussi bien pour la météo turbulente que pour mes choix hasardeux. Tel un soudard, je violais joyeusement les frontières pour me retrouver sur une piste abandonnée, n’ayant pu prévenir de mon arrivée par défaut de la langue parlée. A partir de là, les galères s’enchainaient pour trouver l’essence, les déplacements et logements. Ces voyages à la hussarde, j’en garde néanmoins un souvenir palpitant. Dans la
galère, les rencontres sont encore plus imprévues et marquantes. Mais bon, j’ai donné et suis content de me reposer sur le dos d’un petit jeune qui s’occupe de tout. Depuis 17 ans maintenant, (et 17 ans d’écart d’âge avec le petit), j’ai l’habitude de voyager avec mon ami Jérôme et depuis peu Pascal. Pendant toutes les nuits
de nos voyages et pendant que je m’occupe de mon épouse…ou pas, Jérôme travaille. Il envoie les différents plans de vol, étudie précisément les meilleurs routes, envoie des messages à tous les responsables possibles ou prévus, réserve les hôtels ou Airbnb. Le lendemain, nous décollons confiant et sans aucun stress. Tel un vol de canards en formation en V, Pascal sous l’aile droite, et moi sous l’aile gauche. Point de « T’es où ? » sur la fréquence. Nous sommes continuellement en visuel et n’avons qu’à admirer le paysage en sachant que
tout est prévu à l’arrivée. De Stockholm au Bénin, de l’île d‘Yeu à la Casamance, je me devais d’écrire une ode à mon cher leader…