A propos de L'auteur

L’incontournable du Hi-Tech embarqué

Il faut reconnaître que le profil-type du pilote d’ULM a sensiblement évolué depuis l’époque héroïque à laquelle ces volatiles ont été inventés. Ce public est aujourd’hui plutôt masculin, souvent quinqua ou sexagénaire, voire plus si affinités. Par conséquent, je présente d’emblée mes plus profondes excuses aux femmes pilotes ou passagères d’ULM que cet article ne concerne pas. Je n’ai ni l’expérience ni la compétence pour suggérer une quelconque solution sur la manière dont elles pourraient résoudre ce problème auquel elles sont elles aussi confrontées.

Ainsi, pour le pilote mâle d’âge mûr qui envisage un vol de longue durée, il s’agit d’un sujet trivial néanmoins stratégique : le besoin de se soulager quand il survient en vol. Cette nécessité va parfois jusqu’à limiter l’autonomie de vol qu’autorise la quantité de carburant embarquée. Dès lors, se priver du café au départ (il déclenche une miction dans la demi-heure) ou réguler ses apports hydriques ne suffisent plus. Il n’est d’ailleurs ni conseillé, ni agréable de se déshydrater systématiquement pour éviter d’être dérangé en vol.

La prostate faisant statistiquement souvent parler d’elle à cet âge, les mictions deviennent brutalement impérieuses tandis que les vidanges de vessie, incomplètes, se multiplient. Les pratiquer en vol offre un confort considérable, d’autant plus qu’un besoin impératif non soulagé peut créer un malaise et une anxiété capables de perturber le discernement du pilote à propos de son vol et de sa sécurité. Nous entrons là d’un pas décidé dans le registre des facteurs humains dont il faut se méfier.

 Pour ma part, j’ai opté pour une solution efficace qui me donne satisfaction pour l’instant. J’utilise un objet de très haute technologie, très bon marché, remarquablement étanche, longtemps réutilisable, pouvant être rincé et désinfecté : la bouteille (vide) de lait de 500 mL dont je ne me sépare plus. Voici pourquoi :

Une étanchéité à tout épreuve

A condition de refermer délicatement le bouchon en prenant garde de ne pas foirer son pas de vis, l’étanchéité de cette petite bouteille qui, convenons-en, n’a l’air de rien est assez impressionnante. Encore faut-il prendre garde à ne pas perdre le bouchon en vol, surtout en cas de cockpit ouvert.

Une taille parfaite

Je parle de celle de la petite bouteille magique. La miction moyenne étant de 200 à 350 mL, sa contenance convient parfaitement pour une miction. Si le vol est très long et qu’une deuxième tournée s’impose, le pilote choisira parmi plusieurs solutions :

● embarquer une bouteille de lait d’un litre. Mais elle est plus difficile à ranger sans gêner dans l’étroit cockpit d’un ULM.

● Embarquer une deuxième bouteille de 500 mL. Pourquoi pas.

● Vider la bouteille en vol. Il conviendra alors de prendre garde à la zone survolée car il est possible que la manœuvre provoque une pluie fine et dorée. Elle entraîne aussi un rinçage peu approprié de l’empennage ou de l’hélice propulsive dont il faudra mesurer les conséquences.

Un diamètre de goulot idéal

Certains pourront peut-être se contenter d’une bouteille en plastique d’eau minérale dont l’étanchéité est largement comparable. Quant aux prétentieux qui vous parlent de la nécessité d’utiliser un pot de confiture, voire un bocal à cornichons, sachez qu’ils ne sont que des affabulateurs complotistes ! Les psychanalystes adeptes du grand Sigmund ont un jour émis l’hypothèse selon laquelle les propriétaires de longues et puissantes automobiles cherchent à compenser inconsciemment, bien sûr la petite taille de leur pénis. Ceci est très rassurant pour les pilotes d’ULM : leurs aéronefs sont si frêles et si insignifiants que, par extrapolation de la théorie freudienne, on peut raisonnablement supposer qu’ils sont plutôt bien équipés. D’ailleurs, pour voler sur ces machines, souvent, il en faut… Voilà pourquoi, avec son goulot d’un diamètre de 31,5 mm, la bouteille de lait de 500 mL s’impose comme un outil adapté au plus grand nombre.

Mode d’emploi

La manœuvre est un peu plus compliquée en pendulaire car elle impose des séquences de pilotage d’une seule main voire en lâchant la barre de contrôle, le pilotage « aux genoux » n’étant pas possible sur ce type de machine. Pour agir, il faut donc anticiper et choisir une phase de vol à faible charge mentale et peu turbulente.

Acte 1 : le pilote dégrafe sa braguette et en extrait son Redoutable, l’exposant ainsi au flux d’air vivifiant. Si ce pilote n’est pas seul à bord, c’est à lui de trouver une solution pour préserver son intimité. L’affaire est plus complexe en hiver car l’Indomptable peut se dissimuler sous une ou plusieurs couches de collants isothermes. Entre les Icebraker© (sans braguette), les Patagonia Capilène© (avec braguette), l’exhumation du Triomphant peut être longue et fastidieuse, imposant de tenir la barre de contrôle dans le creux du coude tandis que les deux mains sont à l’ouvrage. Quant aux gants d’hiver, ils compliquent incontestablement les choses, ôtant toute sensibilité digitale : le mieux est de prendre le temps de les retirer.

Acte 2 : le pilote saisira fermement la bouteille de lait en l’extrayant de son rangement. La lâcher ferait courir le risque qu’elle vienne endommager une hélice propulsive ou bloquer une commande de vol. Le pilote dévissera alors le bouchon et le rangera soigneusement dans un endroit sûr.

Acte 3 : le pilote saisira cette fois son Téméraire déjà exposé en extérieur pour l’introduire dans le goulot. Là encore les deux mains sont nécessaires et l’opération délicate. Il convient de s’assurer que la pénétration de la bouteille est bien réelle pour entreprendre l’acte suivant en toute confiance.

Acte 4 : la miction peut commencer, le tout étant de parvenir à se détendre. Penser à Barak Obama : «  Yes, We Can ! » Pour cela, je propose deux conseils : le pilote doit être certain que son Vigilant est au bon endroit, c’est-à-dire que, malgré sa flaccidité, il a bien franchi le goulot. Sur ce point, l’apparition d’éclaboussures jaunâtres venant soudain consteller le tableau de bord, ou le pare-brise, ou les deux ; ou encore la survenue d’une sensation de chaleur humide parcourant l’entrejambe seraient tous deux des indices convaincants du contraire. L’exploit n’est en effet pas sans risque. Le deuxième conseil est l’expérience : plus le pilote pratiquera, plus la manœuvre sera aisée et efficace. A ce stade de l’opération, l’ennemi du pilote est l’élastique de son slip (ou de son boxer, les caleçons n’étant vraiment plus à la mode) qu’il lui faudra d’un doigt écarter de son Terrible tout en maintenant celui-ci en place avec la même main (l’autre est occupée au pilotage), condition sine qua non d’un écoulement libre et indolore. Veillez enfin à incliner correctement le contenant afin de prévenir tout reflux intempestif. 

Acte 5 : le pilote ayant pris le temps de bien vidanger sa vessie (surtout s’il a des tendances prostatiques), il pourra extraire son Foudroyant qui retournera assez naturellement là où il faut, bien au chaud. Le pilote saisira le bouchon rangé pour obturer soigneusement la bouteille avec les précautions déjà évoquées en vue d’une vidange au sol à moins qu’il n’opte pour un largage en altitude. Il n’oubliera pas de refermer sa braguette, de placer la bouteille dans son rangement idoine toujours à portée de main, et poursuivra son vol soulagé, heureux, et complètement décontracté. Jusque-là tout va bien !

« La qualité d’un pilote ne se mesure pas à la force qu’il montre, mais à la tendresse avec laquelle il tient une simple bouteille de lait. » Gregory Boyington