Essayer une machine, dans la presse dite spécialisée, c’est faire preuve de la plus grande neutralité afin d’offrir au lecteur un avis éclairé, dénué de tout parti pris, blablabla… soit exactement l’inverse de ce que vous trouverez ici.
En 2023, je décide, avec la bénédiction de mon épouse, fatiguée de devoir m’accompagner sur le Paon d’Or, épuisée de subir la communion forcée qu’il propose avec les éléments extérieurs, de me mettre en quète d’une machine dite ULM mais capable de nous téléporter vers la famille provinciale en un clignement de paupière.
Titulaire du PPL depuis 20 ans, volant en ULM depuis 42 ans, je me mets en chasse d’une machine d’occasion qui devra répondre à des critères précis. Parmi ceux-ci, je citerai les principaux (pour moi) :
- l’espace à bord sachant que je mesure 1m95 et que la nature a tout mis dans les jambes !
- Un équipement radio et transpondeur répondant à la réglementation actuelle. (Il suffit de regarder le prix d’une radio 8.33 de base pour ne pas avoir envie de devoir investir après coup…)
- Un parachute révisé (à moins que le prix ne soit vraiment négociable)
- Une autonomie correcte (ma vessie et moi sommes d’accord pour dire que 3h15 semblent être un max tout à fait honorable…)
- Une vitesse de croisière satisfaisante par rapport à la conso carburant. (200km/h pour 14.5L serait parfait)
- Un vrai coffre. (Pour les affaires de Madame !)
- Un moteur Rotax 912S 100cv de moins de 1000 heures. (Ne cherchez pas le sens de ce critère, il n’y en peut-être pas, mais c’est la stricte application de la règle des 5 C : c’est con mais c’est comme ça )
Je vois pas mal de machines, je me déplace même jusqu’à Biscarosse pour aller voir un Sting Carbon dans lequel je constaterai rapidement que mon gabarit est totalement incompatible avec la place disponible dans la machine, machine pourtant très sexy !
Finalement, malgré mon attirance naturelle pour les ailes hautes, ( le très beau Skylane notamment, que je rêve d’essayer ou l’excellent FK9 Mk VI ) mon dévolu est jeté sur un autre appareil, l’Eurostar. L’Eurostar, c’est un peu l’ULM Playmobil avec son énorme bulle. Le constat à bord, c’est qu’on a un bel espace de vie. C’est aussi la facilité de pilotage sur une machine qui se présente comme très saine tant par son comportement que par son prix raisonnable pour un appareil tout métal, très bien construit et qui croise tranquillement à 200km/h.
J’en trouve un tout près de moi. La chance !…chance de courte durée puisque le vendeur décidera finalement de faire affaire avec un autre acheteur…bref…
C’est reparti pour la chasse et c’est en septembre que je trouve enfin et alors que je n’aurais jamais imaginé trouver une telle machine, mon « bébé », un très beau FK14 B2 Polaris. Au regard de la frénésie qui entoure la mise en ligne de cette annonce, je comprends vite l’engouement qu’il y a autour de cet appareil. (bon point pour une revente ultérieure sans encombre)
le FK14 B2, c’est le dernier né de la série FK14 avec une aile à la géométrie et au profil très différents des premiers modèles, des réservoirs situés dans les ailes, allant de 66 à 78 litres (avec une option Short wing à 96 litres) un vrai coffre et des finitions très satisfaisantes.
Après m’être battu comme un lion pour qu’on se rencontre, on se retrouve avec le vendeur sur la très sympathique base d’Ecrosnes, près de Chartres. ( déf. se battre comme un lion: dormir dans la bagnole avec mon épouse devant le hangar à Escrones pour être sûrs de ne pas louper le rdv calé à 08h00 ! )
On se salue, je vois qu’il hallucine de nous voir sortir ébouriffés du coffre de l’Espace,.. on sort la machine et je le regarde faire les pleins puisqu il compte prendre le chemin d’Oléron. Pendant ce temps, il m’explique plein de choses et notamment que nous allons pouvoir faire un tour avant son départ… le tout en continuant de remplir les réservoirs !
Je suis dubitatif quant aux perfs de la machine qui doit décoller dans ce contexte : 2 adultes de respectivement 95 et 100kg, pas mal de carburant dans les ailes, une piste couverte d’une rosée matinale et … 250m disponibles ! C’est chaud !!!
Je vous confirme que même si le Fk14 B2 est très bien conçu, même si nous étions tractés par une hélice calée petit pas pour favoriser la distance de décollage, c’était court, mais c’est passé,…mais c’était court quand même !
Une fois en l’air et après avoir recommencé à respirer, je prends les commandes. Tel un grand bonhomme bleu dans Avatar quand il se connecte à sa monture, tout prend une autre dimension. Je ne suis plus là, je suis plongé dans l’azur, ne faisant qu’un avec la machine qui répond « d’instinct » à la moindre sollicitation, à la moindre pensée. La tenue de trajectoire dans toutes les configurations est magistrale, le taux de roulis est digne de Top Gun 2 en creux de la vallée à fond les ballons (côté référence, n’oublions pas que je viens du Paon d’Or…). Le trim manuel, placé un peu en retrait sur la console centrale, n’agit pas sur une petite surface placée derrière le stabilo mais directement sur la commande du stabilo. C’est efficace et très facile à régler au quart de poil.
La manette des gaz tombe bien sous la main, posée elle aussi sur la console placée entre les deux sièges, et vous évitant ainsi de devoir lever le bras pour gérer les gaz. (Quand on s’est flingué l’épaule, on est sensible à ces détails ) la gestion des régimes est de fait facilitée par un déplacement de la manette au cordeau.
Les freins, eux, ne sont ni sur le manche, ni au pied. Ils se situent eux aussi sur cette console, à droite de la manette des gaz. C’est un peu déstabilisant au départ mais on s’aperçoit rapidement que cela permet de gérer le freinage au millimètre, les pieds n’ayant qu’à gérer les palonniers et la main posée sur le manche…vous m’aurez compris ! Associé à cette manette de freins se trouve un frein de parc, très utile pour les séquences de chauffe au parking et les essais avant décollage.
La ventilation est correcte, assurée par deux évents classiques placés à gauche et à droite de la verrière. Cette ventilation est complétée par des ventilateurs intérieurs mais dans le cas de ma machine, le ventilo de gauche n’est pas opérationnel, vu que dans le chemin du conduit se trouve…le parachute ! Il faudra que je regarde si je peux régler ce détail.
En même temps, il faut être bien ventilé l’été car comme toute belle grande verrière qui se respecte, cela devient vite une serre à l’intérieur mais là encore, c’est mon goût pour les ailes hautes qui ressurgit. Quoiqu’il en soit, la visibilité est excellente (pour un « ailes basses »…) et perso, j’adore le visuel latéral sur les ailes et leurs magnifiques winglets !
Parlons un instant de l’esthétique. Le FK14 B2, s’il n’est pas forcément le plus compact, le plus rapide ou le plus équipé du marché, reste à mon sens ( et c’est évidemment à ce titre tout à fait contestable) le plus beau. Le travail réalisé sur les proportions dans les différentes sections du fuselage entre le compartiment moteur, l’espace cabine et la longue partie arrière menant aux empennages, est magnifique.
La pureté des lignes et la sobriété du design, et je pense particulièrement à la dérive ou au stabilisateur, sont une ode à ce que l’aviation peut produire de plus attirant. Je m’arrêterai là sur le sujet mais je vous garantis qu’avancer vers cette machine splendide et se dire qu’on va prendre place à son bord provoque à chaque fois une émotion profonde et me fait me rappeler combien je suis chanceux de pouvoir vivre ces instants.
Revenons au vol. Une fois notre tour d’horizon effectué, nous décidons de rentrer. J’entame un circuit de piste classique. En début de vent arrière, je tire sur la réchauff carbu (en option) réduis les gaz pour sortir un cran de volets et au moment où j’appuie sur la commande électrique, je me dis que tout va péter ! Un bruit énorme envahit la cabine. En fait, c’est simplement le moteur électrique qui accompagne la sortie des volets ! Rien d’anormal donc, mais il faut le savoir ! Le palier se poursuit entre 115 et 120 km/h. On passe en base, je mets un 2eme cran de volets ( l’effet de surprise en moins !) et réduis à 110. Une fois établi en finale, je propose au vendeur de reprendre la main mais il insiste pour me laisser poser la machine ! Soyons clairs, c’est ma première fois à bord, d’habitude je pilote des trapanelles des années 80 ouvertes aux quatre vents en forme d’étendoirs à linge et là, je m’apprête à me poser sur une piste qui ne fait que 250m d’un bout à l’autre avec un suppositoire qui n’a pas l’air décidé à atterrir, filant comme l’éclair malgré les gaz plein réduits !
Fort de ces constats, je laisse tomber les instruments et me concentre sur ce que me dit…mon cul ! Je sors le troisième et dernier cran de volets et là… le FK 14 devient un véritable parachute ! Les volets sont des fowler et se montrent redoutablement efficaces ! La vitesse descend rapidement. Je remets des gaz pour maintenir la trajectoire et une vitesse d’environ 90/95 km/h mais je me promets qu’une prochaine fois, si j’arrive volets full, j’arriverai de plus haut ! On passe le seuil et les roues touchent environ 10 mètres plus loin à une vitesse que j’estime à 80 km/h, ayant le nez rivé sur ma trajectoire. Avec la rosée, on drifte à moitié de droite à gauche et j’apprécie particulièrement la finesse du freinage qui me permet de doser avec précision mes intentions et leur traduction sur la mécanique.
Au final, bien sûr que j’ai acheté l’appareil. Obtenir une telle osmose en un essai était inespéré. Aujourd’hui, je suis un propriétaire heureux, heureux à la fois de ma machine, dont j’apprends à chaque vol, à saisir toutes les subtilités, heureux aussi de la relation de confiance tissée avec la maison mère FK en Allemagne qui est toujours disponible pour vous conseiller sans jamais vous pousser à la consommation inutilement, heureux enfin d’avoir pu faire la connaissance de Marc Pedotti *, représentant pour la France de la marque FK Planes et qui porte lui aussi les valeurs de la Maison. Pour avoir eu l’occasion de le challenger sur le dysfonctionnement de vérins de verrière achetés par l’ancien propriétaire 6 mois plus tôt, Marc a tout fait pour assumer et résoudre la situation, avec patience, sens commercial et détermination à laisser le meilleur souvenir possible.
Au final, si vous recherchez un appareil qui soit en mesure de vous faire vibrer le cœur, capable de rivaliser avec les meilleures machines du marché actuel, encore préservée de tous les accessoires propres à augmenter les chances de pannes (train rentrant, pas variable etc etc ) et tout cela dans un budget raisonnable pour un appareil capable de croiser à 220 km/h, le FK14 B2 est taillé pour vous ! Le seul vrai gros problème de cet appareil… C’est d’arriver à trouver le vôtre ! Bonne chasse et bons vols !
De mon côté, je vais profiter du mien tout en continuant de promouvoir notre patrimoine historique vivant !
*Marc Pedotti, c’est un pilote passionné par ce qu’il fait. J’ai enfin eu l’occasion de le rencontrer à Persan lors de son passage au cours duquel j’ai pu essayer le fabuleux FK9 Mk VI. Nous vous en parlerons bientôt, mais pour l’heure je laisse Marc se présenter :
« Pilote depuis 23 ans…mais depuis bien plus longtemps dans sa tête. C’est en voyant les avions décoller toute la journée face à la fenêtre de mon bureau à Cannes en 1989 que l’idée s’est précisée. Plus tard, à Chalon, je démarrais un PPL, au « volant » d’un Cessna 150. L’aéroclub de Bourgogne m’a permis de voler sur de bien différentes et attachantes machines, telles un Stampe, un DA40 ou encore en voltige avec un CR100 et un Extra 300. L’ULM est arrivé quelques années après avec le Comet ! Il y a 3 ans, j’acquiers le brevet d’instructeur pour Air Chalon Club dont j’avais pris la présidence 1 an auparavant, puis laissée depuis pour mes nouvelles responsabilités. Entre temps, Sylvain m’offre cette magnifique opportunité de reprendre l’importation et la maintenance des FK. Je quitte mon confort d’employé pour la mission trépidante de chef d’entreprise. Le FK9 Mark VI m’accompagne ainsi à peu près partout où je me déplace et où on veut le voir. Mon plaisir est de voler, quel que soit l’objectif du vol. Mon crédo : Faire partager le plaisir du vol »