S’élever dans les airs permet, sans contradiction possible, de changer de point de vue. Ce n’est, bien évidemment, pas le seul avantage de cette pratique, mais dans l’aviation de loisir, c’est néanmoins le premier effet recherché par le pilote. Une fois l’appareil en l’air et tous les aspects techniques réglés, votre regard commence à se porter sur l’extérieur avec un oeil davantage rêveur. Si la lumière, la météo ou le paysage s’en mêle, cela risque même de faire naître en vous un sentiment situé à mi-chemin entre la joie et le plaisir. Ce phénomène porte un nom, c’est ce que l’on appelle la contemplation.
Ce terme , à sa genèse, est apparu dans le but d’essayer d’exprimer cette fascination que l’homme portait à l’art et au beau et au vue de ce que peut nous apporter, dans ce registre, notre humble planète, il s’est vite intégré au monde aéronautique. C’est en grande partie pour cette raison que bon nombre de pilotes laissent s’exprimer, par la photo, la vidéo ou l’écriture, leur pulsions artistiques, leur permettant de transmettre cet effet de contemplation.
L’art, depuis les poèmes de Mermoz, n’a donc finalement jamais quitté le pilote et d’autant plus aujourd’hui grâce aux nouvelles technologies de captations d’images. Mais certains d’entre nous poussent le bouchon encore un peu plus loin en transformant leur GPS en pinceau pour ornementer virtuellement nos paysages.
Fredéric Mallard : Le Picasso du ciel
Je connaissais vulgairement la pratique du GPS Art, qui consistait à dessiner des formes, plus ou moins sommaires, grâce à sa trace GPS, mais ce matin là, quand Fred pose son paramoteur après 2H30 de vol et me tend son téléphone, je reste sans voix devant le tableau. L’artiste, en guise de cadeau à notre chère Sandra Moreels, porteuse de la flamme olympique, vient de dessiner ceci :
C’en est trop, mon phare de la curiosité vient de s’allumer. Soit nous sommes face au plus gros mytho-man de la planète qui bidouille des traces GPS, soit nous sommes en compagnie d’un Maestro de la navigation. Il faut que j’en aie le cœur net !
Premièrement, afin de tuer le bébé conspirationniste dans l’œuf, mettons tout de suite les choses au clair. Fred, en parallèle de ces outils classiques, vole également avec un traceur inviolable, lui permettant d’homologuer ses vols sur Xcontest (la seule compétition de distance depuis la disparition de notre regretté CFDM). Du coup, nous pouvons écarter la piste de l’escroquerie. Le reste n’est que travail et technique. Au fur et à mesure que notre conversation avance, je vois la poésie du dessinateur à main levée sacrifiée sur l’autel de la technologie.
Tout est dans la préparation
Globalement, il existe plusieurs manières de procéder. Soit à l’ancienne, avec une carte papier et des repères permettant des esquisses plutôt basiques, soit avec un support numérique sur tablette sur lequel Fred vient insérer plusieurs calques pour avoir différents fonds de cartes détaillés et une reproduction de l’œuvre à réaliser couplée avec sa trace GPS instantanée. Cette trace GPS lui permet surtout de confirmer son tracé car la latence du GPS lui demande beaucoup de travail de préparation pour anticiper tous ses virages.
Son inspiration lui vient de causes à défendre (il est comme ça le gars !) afin de promouvoir des actions comme le don de sang ou Octobre rose ou de dessinateurs et notamment de tatoueurs spécialisés dans le dessin en une seule ligne. Il retravaille toujours les dessins de façon à pouvoir décoller et atterrir au même endroit. Artiste oui, mais pragmatique quand même !
Frédéric Mallard est un pilote accompli avec plusieurs titres de champion de France à son actif et même une couronne de champion du monde qui souffle sa dixième bougie cette année. C’est un pilote très expérimenté toujours à la recherche de nouvelles pratiques à essayer. il se raconte même, dans l’arrière pays vendéen, qu’il sera le premier pilote à réaliser un GPS Art en Paramoteur électrique… Mais ça c’est une autre histoire.