A propos de L'auteur

L’entoilage, entre enfer et Paradis !

Voler sur une machine qui prend de l’âge, c’est un plaisir particulier qui vous fait osciller entre la nostalgie d’une époque révolue et le sentiment d’être un peu rebelle dans une époque où le dernier cri fait souvent chavirer les coeurs, tout autant que les portefeuilles. Le souci avec les machines vieillissantes, c’est qu’immanquablement, et vous le savez, vous le sentez mais vous vous refusez à cette évidence, la sécurité de vos vols prime et il va bien falloir se séparer de votre vieil entoilage pour un examen en profondeur des ailes et remise à neuf des surfaces. Le projet est magnifique, la perspective est alléchante. Savourez ce moment de grâce ! La réalité ne tardera pas à vous rattraper !…

Le Paon d’Or et son entoilage d’origine en 1984

RETOUR D’EXPERIENCE

N’attendez pas ici un cours sur l’entoilage ! Je ne suis pas expert et n’aurai en conséquence que mon expérience de profane à partager avec vous, mais en même temps, sérieusement, combien d’entre nous maîtrisent vraiment cet art ?… Ok, je crois qu’on est en phase ! 

Alors maintenant que vous avez embarqué dans l’aventure avec moi, laissez-moi vous conter l’histoire du réentoilage d’une machine mythique et unique ( en même temps, il n’y en a eu qu’un seul….), le Paon d’Or, conçu et construit par mon père.

Il y a maintenant 40 ans, aidé d’un ami cher, Christian Lemonnier, il avait réalisé le premier entoilage, un revêtement de type dacron, de ceux qui à l’époque firent passer la toile tissu de nos premières trapanelles pour une relique millénaire ! 

Christian Lemonnier en 1984 lors du 1er entoilage du Paon d’Or

LE DEFI !

38 années plus tard, Bruno Lemonnier (le fils de Christian) et moi-même décidions de nous lancer dans l’aventure pour rééditer l’exploit de nos paternels respectifs, ayant sur eux un avantage considérable, à savoir près de quarante ans d’évolution des produits et techniques.

Pour autant, avec le recul, je peux vous le dire en toute transparence, qu’entre grimper l’Everest sur un pied et refaire cet entoilage, aucune différence pour moi ! J’ai pris cher ! 

En effet, avant de se lancer, il faut bien mesurer l’ampleur du chantier. Il y a deux ailes, ce qui fait 4 faces, puis il y a les empennages. Ça, c’est le minimum. Vous pouvez aussi avoir le fuselage à couvrir mais je ne pourrai pas vous en parler, n’ayant pas eu à le faire. Tout cela pour vous dire qu’il va falloir de la patience, beauuuuucoup de patience, et du courage aussi car ce qui vous attend, c’est par définition un chantier… d’envergure !

Bruno Lemonnier, en 2022 en train d’attaquer la pose du nouvel entoilage, 38 ans après son père !

Pourtant, je devrais pouvoir dire que c’était une promenade de santé, ayant Bruno pour Maître d’œuvre, un expert en la matière avec de nombreux « Maestro » et « Springbok » entoilés au fil des ans. Bruno, c’est aujourd’hui l’une des personnes, ou plutôt l’un des artistes les plus aguerris dans ce domaine et je sais qu’au fond de lui, si quelqu’un veut lui proposer un tel chantier, il aura bien du mal à refuser !
Maintenant, avoir un orfèvre à sa disposition ne fait pas tout ! L’organisation du chantier est primordiale et quand on est aussi doué que moi en mécanique, établir la liste des priorités et tenir le calendrier, c’est vraiment un vaste sujet pour ne pas dire un vaste foutoir !

UNE PREPARATION PRESQUE METICULEUSE

Il vous faudra retirer l’ancien entoilage mais GAFFE !!! Pensez bien à prendre des repères précis si vous souhaitez refaire la déco à l’identique, faute de quoi vous serez contraints, comme moi, de vous pencher sur les photos d’époque avec un mètre et une loupe pour tenter de retrouver avec exactitude  la largeur des bandes, leur emplacement précis etc etc.

Vous devrez ensuite choisir les produits que vous souhaiterez employer. Je ne pourrai pas ici faire de comparatif, n’ayant pas testé d’autres marques, mais je suis très satisfait du résultat final. Dans mon cas, c’est D….X que j’ai choisi d’utiliser, sur les conseils avisés de Frédéric Lemonnier , frère de Bruno et constructeur officiel du Springbok. Le matériel est très pro, les contacts avec la boite sont excellents, mais par contre, j’ai du vendre un de mes reins, le chien des voisins et la collection de Pétrus de mon père pour m’offrir ce nouvel habillage ! Très franchement, ça douille au passage en caisse !!! Vous savez, c’est le moment où, assis sur le canapé et faisant une tête bizarre en voyant le total indiqué en bas du devis, à la question : « chéri(e), pourquoi tu fais cette tête ??! », vous répondrez: «Non non c’est rien ! Encore une connerie sur FB ! » tout en entrant, la mort dans l’âme, les chiffres de votre CB ! 

En même temps, il ne faut pas oublier qu’il va falloir couvrir les surfaces avec plusieurs couches d’enduit,une couche d’apprêt avant peinture, sans oublier l’assouplissant pour éviter les craquelures, puis en dernier lieu la peinture elle-même. Ça en fait des bidons !

D’ailleurs parlons-en des produits. Ne vous attendez pas à entrer au Panthéon de l’écologie ! Ces produits sont quoiqu’on en dise très agressifs et vous devrez IMPÉRATIVEMENT : 1/ vous protéger  2/ essayer de trouver une VRAIE cabine de peinture pour camion afin de garantir une ventilation adaptée et un filtrage efficace de l’air sortant. Pour notre part, tout avait pourtant bien commencé. Nous avions un compresseur de 100 litres, un magnifique pistolet à peinture, nous avions fabriqué une cabine de peinture faite maison dans un hangar prêté par un pote. j’étais super fier de ma cabane en plastique, plastique au sol, sur les cloisons et jusqu’au plafond en bâches, soutenues par des tasseaux. Tout était prêt.

Une cabine de peinture plus prête que jamais !

GALERES ET PERSEVERANCE

Nous voilà partis pour la pose de la couche d’apprêt et c’est à ce moment précis que tout est parti en vrille ! En seulement quelques minutes, Les lunettes deviennent opaques. Voulant nettoyer la première paire pendant que je donne la seconde à Bruno, je décide dans un éclair de génie de passer un peu de diluant sur les lunettes en plastique…. Bon, une paire de lunettes en moins ! 

Les filtres des masques à peinture se bouchent, on bosse en apnée, le sol est collant du fait du nuage d’apprêt qui retombe. 

Du coup, vous vous souvenez des bâches posées à terre dans la cabane ? Elles nous collent aux pompes, s’entremêlent et nous suivent comme un chien fidèle… Le sol quant à lui n’est plus protégé, ça colle de partout, chaque pas crépite dès que la semelle se soulève. Je me dis alors que ça y est, je n’ai plus d’amis, entre Bruno qui va certainement tomber raide asphyxié devant mes yeux, et mon pote du hangar qui va m’étrangler avec mes bâches….

Cabine de peinture en perdition !…

Dans ce qu’il reste de la cabine, on attaque la peinture ! Malgré l’adversité ambiante, Bruno continue, il s’accroche debout, assis, à quatre pattes ! Il est bientôt minuit, cela fait sept heures qu’il peint ! On est rincés, on a un peu perdu en lucidité avec la fatigue et on ne comprend pas pourquoi c’est si difficile d’avoir une bonne répartition de la peinture mais tant pis, pas le temps de se poser trop de questions ! Il faut y aller et finir le boulot ! Après coup, on réalisera que la période COVID est passée par là et que la peinture a pris 1 an dans la vue et aurait du coup mérité d’être davantage diluée que la préconisation classique. le résultat est magnifique mais franchement, quel…enfer !

Et dans tout ça, j’étais tellement sûr de ma cabine, tellement…. Que  je n’ai pas hésité un instant à tout laisser dans le hangar…. Ma voiture, les camions et voitures de mon pote…etc…etc… 

Bon… finalement, on ne le dira jamais assez, le blanc, ça va avec tout ! Les voitures, les camions, le sol, on se serait cru en Laponie après les premières neiges ! Je vous ferai grâce du boulot que cela a été pour tout récupérer mais je ne saurai trop vous conseiller d’éviter de faire pareil !

Rire pour ne pas pleurer… la journée a été longue !😅

UN RESULTAT A LA HAUTEUR DE NOS ESPERANCES

Si je dois dresser un bilan de cette aventure, je dirai une nouvelle fois que ce qui compte le plus dans un projet d’entoilage, c’est une excellente préparation, un environnement adapté, de la patience, une bonne maîtrise de l’ordre des séquences de travail et surtout….des amis fidèles qui sauront vous pardonner ! 

Est-ce que cela valait le coup ? Bien sûr que oui ! Redonner vie à une machine ancienne et voir à nouveau ses ailes briller au soleil procure un plaisir incomparable qui n’est rien à coté de celui que vous aurez une fois la piste derrière vous, lancés dans l’azur et ne faisant qu’un avec cet oiseau adoré, paré de son nouveau plumage.

Pour Bruno et moi, cette aventure, c’est un hommage appuyé à nos padrés, qui ont eu deux bonnes idées majeures à l’époque : La première, développer une passion sans limite pour cette discipline, l’ULM, qui n’en était qu’à ses balbutiements; La seconde, se rencontrer au Bourget devant un Weedhopper, mais ça, c’est une autre histoire qu’il faudra que nous partagions un de ces jours. Pour l’heure, je dois vous laisser car le Paon d’Or et le Weedhopper m’attendent. Et oui ! Il faut bien préparer La Grande Course !

P.S. : Encore Mille fois Merci Bruno ! Tu es vraiment le meilleur !