HISTOIRE DU PARAMOTEUR
Texte : Christophe CHARON Photos : Christophe CHARON, François SIEKLUSCKI, Jean-Louis LAINE, sources internet
L’engouement pour le plus petit des aéronefs tient en grande partie à son faible coût et à sa facilité de mise en œuvre. Une pratique qui fait de plus en plus d’émules. Classe 1 de la catégorie ULM et issu de plusieurs autres disciplines aéronautiques, le paramoteur a son histoire: une aventure riche et captivante.
LA GENESE
On ne peut aborder l’histoire du paramoteur sans s’intéresser préalablement à celles du cerf volant, du deltaplane et du parapente. L’évolution des voilures fut fondamentale et, plus que celle des moteurs permit l’évolution de cette machine. Le moteur n’ayant quant à lui pas subi d’évolution révolutionnaire. On doit à la NASA , et à sa recherche d’une solution pour permettre à ses capsules spatiales d’atterrir ,la découverte des voilures à profils souples. En 1952, l’un de ses ingénieurs récemment décédé, le très regretté Francis Rogallo, dépose le brevet du «PARAWING », la première aile souple utilisée comme parachute pilotable ou comme cerf volant. Les premiers deltaplanes lui doivent leur existence. Quelques années plus tard ce sera également un ingénieur de la NASA, David BARISH qui donnera naissance au PARAFOIL dont sont issus les parachutes à simple surface. Ces deux découvertes notoires sont à l’origine du parapente avec ailes souples à caissons (Brevet Jalbert 1968).Les années 70 voient l’explosion du vol libre et du deltaplane. Près de 10 ans plus tard, en 1978, nait en France le parapente avec deux parachutistes (Jean-Claude Bétemps (F) et André Bohn (CH)) qui décollent à pied avec leur parachute du site de Mieussy dans les Alpes. Le parapente prenait son envol.
Du libre au moteur…
Les faibles performances des ailes ainsi que le poids des moteurs ne permirent pas d’envisager dans les premiers temps le décollage à pied. C’est John Dudley Nicolaides de l’université américaine Notre Dame en Indiana qui inventa le paramoteur avec l’Irish Flyer en 1963. Le premier vol avec un chariot est effectué par Lowell Farrand en 1964 sous une aile de type PARAFOIL de Domina JALBERT. Il sera suivi de l’Irish Flyer2 dont l’évolution donna lieu à une conception différente.
Coté Chariots :
Le premier engin motorisé équipé d’une aile souple à caissons produit en série fut le Paraplane . C’est un chariot mis au point aux Etats-Unis par Steve SNYDER en 1983 et équipé de 2 moteurs Solo. Il sera importé par Gérard Fedzer qui réalisera avec en 1984 une traversée de la Manche. D’autres modèles de chariots suivront comme le Paratrike ou le Parafan équipé d’un moteur Rotax 377 pour la version monoplace et d’un Rotax503 pour le biplace. L’aile faisait 31m² en mono et 36m² enversion bi pour une misérable finesse d’à peine 2. La société Parachute de France fera une incursion rapide avec le chariot Paracross mais abandonnera rapidement préférant se limiter à fournir ses ailes à la société Centrair qui commercialise le Parafan. En 1985, coté Belge, Durondeau commercialisait des chariots tricycles équipés également d’un Rotax 377 de 35 cv et d’une aile de 31 m², puis d’un 447 de 42 cv avec une aile maison de 36m² ; le poids à vide était de 92kg. En 1987, la vitesse de montée était de 2 m/s et le taux de chute de 4 m/s. Les versions contemporaines de ces chariots mono ou biplaces se déclinent en trois grandes familles. Les petits et modulables qui s’adaptent sur des modèles décollages à pieds (ChariotZ Air passion, chariot Yvasion, Wheely adventure..). Les intermédiaires à la cellule et au moteur d’un poids et d’un encombrement moyen (Funflyer d’Adenvrure,, Xenit de Fly-product, ALS…) . Les gros (Eco2, Exitor, flundairs), des modèles plus lourds d’une puissance supérieure. On constate un retour de cette catégorie depuis peu et la tendance tend à s’amplifier.
Coté décollage à pieds :
C’est en 1981, que l’allemand, Bernd GARTIG, soudeur et musicien, réalise le premier vol avec décollage à pieds. Il est pilote et constructeur de son engin. Ce pionnier, à la modestie exceptionnelle, garda son exploit secret plusieurs années. Il volait avec une aile qu’il avait cousu lui-même ! Elle pesait 10Kg pour une surface de 30m². Elle n’avait que 7 caissons pour une finesse à peine supérieure à 3! Son moteur était le célébrissime Solo 210 sur lequel il avait monté en prise directe une hélice de 84cm. La rotation de celle-ci était effarante avec une vitesse en bout de pale de 1108km/h. Le tout produisant le son démoniaque d’un Stuka ! La vitesse de cet engin en palier était de 37km/h et nécessitait 80% de la puissance du moteur. Ses premiers essais étaient à l’image de ces pionniers de l’aviation qui ne s’élevaient que de quelques mètres au prix d’intenses efforts et d’une course effrénée.
Bernd GARTIG découvrit, à l’occasion du championnat du Monde de parapente à Verbiers en Suisse, les performances des ailes de parapentes. Elles étaient bien meilleures que les siennes. Il abandonna alors la construction d’ailes pour se consacrer essentiellement aux châssis. Aile-de-K, très intéressé par son travail, lui fournissait des parapentes et notamment la bien connue Big X. Il réalisa alors des vols de plusieurs heures grâce également au moteur Konig 3 cylindres à hélice quadri-pâle. Le Pago-jet, première machine produite en série était née. On trouve d’ailleurs toujours son évolution sur le marché.
Le soudeur allemand avait déjà à cette époque travaillé sur un bas de chassis à coque en plastique et fibres de verre intégrant le réservoir de 20l et permettant différentes motorisations. Ses études portaient également sur la réduction du bruit des moteurs et des hélices. Il développa une hélice bipale à winglets pour le moteur Konig qui permit au Pagojet d’être la première machine homologuée en Allemagne par la contraignante norme du DULV. Son travail d’optimisation sur les hélices reste, de l’avis de spécialiste comme Richard Krüger-Sprenler (Helix) encore inégalée à ce jour.
Bernd Gartig décédera malheureusement à 42 ans d’une maladie cardiaque. Il avait exploré bien des voies dans le domaine des châssis comme des hélices et l’on ne sait jusqu’ou il aurait été. Le paramoteur lui doit beaucoup…
C’est un autre allemand, l’ingénieur Dieter Unbehaum, qui en 1983 dépose le premier brevet paramoteur. Sa machine est équipée du fameux moteur König qui s’illustra à de nombreuses reprises dans la discipline
En France, pour ce qui est du décollage à pieds, la première tentative connue date de 1986 par un certain Mounier dont on a perdu la trace. La machine de ce créateur génial illustre déjà la recherche effectuée en matière de légèreté avec une cage réalisée en matériau composite ainsi qu’une structure réduite à sa plus simple expression. Certains comme Jean-Louis Lainé s’orienteront vers des solutions hybrides entre chariot et décollage à pieds avec « la brouette volante ». Baptisée ainsi à cause de son architecture à roulettes que devait trainer le pilote dans sa course. Elle devait ménager les jambes et le dos de ce dernier lors du décollage. Une voie explorée puis abandonnée mais qui comme beaucoup ressurgissent après de nombreuses années. Cette brouette n’est elle pas la lointaine cousine du chariot TR2 de Joseph Gobbe ?
On doit le deuxième modèle de paramoteur en 1987 à Philippe De Beaumont qui utilise le moteur d’une moto de trial Montesa. Il retirera la boite de vitesse et montera l’hélice alu directement sur le rotor du volant magnétique ! C’est cette même année que Jean-Louis Lainé produit « l’EssenCiel » premier modèle muni d’un
réducteur (à courroie) monté sur un moteur Solo. L’hélice en bois fait 120cm de diamètre. Le paramoteur qui cherchait sa voie entre décollage à pied………. commence à la trouver. Cela se confirmera puisque la grande majorité des machines européennes d’aujourd’hui sont à décollage à pied avec toute la souplesse d’utilisation qu’il est le seul aéronef à permettre.
Le nom de paramoteur apparait pour la première fois dans l’ouvrage de Jean-Louis Lainé : Le parachute ascensionnel motorisé édité par l’auteur
1988: grande année pour le paramoteur. Deux illustres passionnés qui ne se connaissent pas encore, réalisent chacun de leur coté un prototype motorisé par un bicylindre à plat de 425cm3 : le JPX ! Le premier Léon MOURAUD, hélicier et mécanicien avion est assisté d Yves MARRE, un pilote ULM et de Richard TRINQUIER parapentiste et parachutiste. Le deuxième, un compétiteur en motocross devenu parapentiste est Philippe JORGEAGUET (JETPOCKET).
On doit beaucoup à ces deux personnalités qui contribueront par leurs innovations mais aussi leurs exploits au développement de cette discipline. Ils seront les premiers à tester et produire en série ce type de machines.
Leurs exploits sont éloquents :
En 1988 lors du « Paris Air Folies », une grande manifestation aérienne sur l’hippodrome de Vincennes, ils présentent en vol pour la première fois au grand public la machine de Léon MOURAUD, le PROPULSAR piloté par Yves MARRE. En juillet de la même année, ils remettent ça. Le même Yves MARRE, assisté de Léon MOURAUD et de Zoltan KOVACS, traverse la Manche. Il se pose en Angleterre après 1h20 de vol.
Fin 1988, un autre fameux personnage du paramoteur fait son apparition, Didier EYMIN, ancien lutteur à l’inimitable charisme. Avec Philippe JORGEAGUET et son mythique JETPOCKET, ils réalisent des démonstrations dans le parc de Rambouillet pour la première émission de Nicolas HULOT qui s’appelait à l’époque « Mongo-Para-Zeb ». JEORGEAGUET sévira également au Kénya avec Philippe LAVILLE. Engagé par le photographe Alain GUILLOU, ils iront planer quelques metres au dessus des lions et des éléphants puis sur les magnifiques plaines au pied du Kilimandjaro .
En 1989, Didier EYMIN effectue en vol le repérage du raid 4×4 « Grenoble Air Aventure ». Il traverse à cette occasion le grand Erg oriental et filme le parcours. Il est équipé d’une caméra qui transmet l’image au magnétoscope embarqué dans le 4×4 qui le suit. Il réalise dans la foulée, le 3 mai 1989 avec l’assistance de Léon MOURAUD, la traversée Nice – la Corse. Il mettra 5h20. Le ravitaillement en carburant s’effectue en vol grâce à ingénieux système. Un tuyau que le bateau suiveur donne à Didier permet d’envoyer l’essence sous pression dans le réservoir du paramoteur. Didier Eymin se posera sur la plage de Calvi après une grosse frayeur lorsqu’il perd le bateau d’assistance dans un banc de brouillard. L’agent de police qui l’accueille sur la plage n’a toujours pas compris d’où il pouvait venir avec ce curieux engin…. En tout cas, certainement pas du continent comme le prétend cet illuminé. En juin 1989 c’est de nouveau Jorgeaguet qui s’illustre en décollant du sommet du Mont Blanc
S’en suivra l’épopée USHUAIA au cours de laquelle Didier, engagé comme conseiller technique de Nicolas HULOT, parcourra le Monde pour le tournage de l’émission culte. L’émission de la série qui reste une prouesse, puisqu’elle marqua la première apparition notoire du paramoteur à la télévision fut celle de la féérique balade de Didier et Nicolas dans les Gorges du Tarn (1989 encore !). C’est d’ailleurs celle qui est à l’origine de la collaboration des deux hommes.
L’évolution des GMP (groupes moto-propulseurs) n’est pas majeure même si, réducteurs, et embrayages ont apportés confort et sécurité à notre pratique. On voit d’ailleurs voler un grand nombre de machines équipées du moteur solo des premières heures. Mais ce que l’on gagne en confort, on perd souvent en fiabilité. Simplicité est souvent synonyme de fiabilité. L’utilisation des moteurs 4temps a elle aussi été explorée mais pour des raisons de poids, elle reste principalement employée sur les chariots. Elle connait néanmoins des résultats en compétition puisque Michel Carnet s’illustre à de nombreuses reprises au plus haut niveau avec son moteur Bailey4T. Il remporte notamment le dernier championnat du Monde en Tchéquie avec ce même moteur. L’évolution des matériaux a permis aux chassis de gagner en poids avec l’utilisation du titane et de matériaux composites comme le carbone. L’amélioration la plus notoire des performances du paramoteur ces 20 dernières années reposent sur la progression fulgurante des ailes. Les finesses de 3 des débuts avoisinent aujourd’hui les 9. Les taux de chutes ont aussi diminué considérablement et cela sur des plages de vitesse de plus en plus grandes. Si les ailes atteignaient péniblement les 40Kms/h dans les années 80, elles avoisinent les 60km/h aujourd’hui.
Les fabricants de parapentes n’ayant pas considéré dans les premiers temps, le marché du paramoteur suffisamment intéressant, les paramotoristes recherchaient alors, les ailes de vol libre les plus adaptées à la pratique du moteur. Ce n’est qu’en 98 que l’on voit arriver , notamment en compétition, les premières ailes spécifiquement dédiées au paramoteur avec notamment les ailes « Reflex ». Dénomination commerciale du profil autostable (à double courbure). Utilisées depuis longtemps en deltaplane, il permet d’avancer le centre de poussée de l’aile et d’obtenir ainsi une plus grande stabilité de celle- ci en turbulence ainsi qu’une augmentation de la rigidité du profil. Il admet également des vitesses de vol plus élevées avec moins de risques de fermeture. Mais cela se paye par une diminution importante de la finesse. On doit les premières adaptations de l’autostabilité sur les ailes de paramoteur à Mike Cambell Jones (PARAMANIA) avec la Reflex en 1998 puis la Reflex2 construite par Dudek. Dudek qui utilisera également le principe très rapidement avec la Trapper en 2002. Mike et Dudek décideront de commercialiser cette aile sous le nom de L’ACTION. Elle fera un ravage aux Mondiaux 2003. ITV avec la Dakota et Ozone avec la Viper se lancent également un peu plus tard dans le Reflex mais leur philosophie « vol libre » est plus nuancée dans ce domaine et leurs profils sont qualifiés plus familièrement de semi-reflex. Cela se traduit simplement par un profil autostable moins affirmé. Chacun trouvera dans ces différentes philosophies l’aile paramoteur qui lui convient. On voit aujourd’hui de plus en plus de constructeurs s’intéresser au créneau.
La prochaine révolution réside dans l’arrivée du paramoteur électrique. En 2007, un modèle présenté à la Coupe Icare par HELIX effectue un vol d’une vingtaine de minutes. Un nouveau pas est franchi mais même si la capacité des accus évolue, elle reste aujourd’hui limitée et inférieure à 1h pour l’ensemble des modèles présents sur le marché. Elle va certes progresser mais l’échéance demeure à ce jour inconnue pour cette technologie qui reste évidemment d’avenir puisque, plus écologique et plus silencieuse. Mais de cela nous vous reparlerons prochainement.
Sources :
« Histoire du paramoteur » de François SIEKLUCKI et Léon MOURAUD
http://startair.com De Jean-Louis Lainé, constructeur de la première heure et historien de la discipline, un site à voir absolument pour en savoir un peu plus
Les premiers pas aux états unis avec Ultra FLIGHT (USA) : http://www.ultraflightradio.com/byname/farrand-lowell.html
La Maitrise du paramoteur de François SIEKLUSCKI