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“L’usage du ciel” – Rêves et coup de coeur

Pour commencer et comme on est encore dans la période des voeux, j’aimerais reprendre le texte et la vidéo que j’avais postés sur Facebook peu avant Noël :

Je rêvais de trouver un aéronef simple, abordable, léger, fiable, plus proche du tapis volant que du Cessna, qui atterrirait en 150 m. à moins de 50 km/h et que je pourrais piloter seul en toute sécurité jusqu’à (au moins) 80 ans, en ne laissant à personne d’autres la responsabilité de décider quand m’arrêter de voler.

Je rêvais de voler lentement, assis dans l’air, près du sol, silencieusement en découvrant des endroits où, ni en avion ou en hélicoptère (trop rapide et bruyant), ni en planeur ou parapente (dépendant des ascendances), je n’avais jamais osé m’aventurer.

Je rêvais de voyager, même si dorénavant ce ne sera plus qu’en Europe, d’aérodromes en champ d’aviation, par courtes étapes car après une heure, le nez au vent, j’ai envie de retrouver le plancher des vaches pour savourer mon vol et le partager, car les voyages c’est avant tout des rencontres, tout aussi belles après 60 km qu’après 600.

Je rêvais de davantage voler que de faire de la mécanique, et en hiver, de ne pas appréhender le démarrage de mon moteur, puis de ne pas perdre de temps à le faire chauffer, pour qu’une fois à la bonne température il gaspille la plus grande partie de son énergie en … chaleur.

Je rêvais, pour me déplacer et voler, de n’utiliser plus que l’énergie que je produis chez moi et de ne plus être racketté par ceux qui profitaient de ma dépendance.

« Rêver sa vie ou vivre ses rêves » il faut choisir, sans trop attendre, car bien vieillir, á tout âge, c’est éviter d’avoir des regrets.

Alors à vous aussi, que cette nouvelle année vous permette de réaliser vos voeux les plus chers avec une pensée toute particulière pour celles et ceux qui se battent pour leurs libertés.

Anticiper

Lorsque je visualise sur un mètre le chemin parcouru et les 10 à 15 cm qu’il pourrait me rester, si tout va bien, je réalise, à plus de 70 ans, que d’une part ça a passé diablement vite, et que d’autre part il est grand temps de préparer la suite (pour ne pas dire la fin). Et c’est probablement plus difficile lorsqu’on a une passion aussi exigeante que la nôtre que pour un passionné de pétanque. On sait que, malgré l’expérience, en vieillissant nos réflexes diminuent et il n’existe pas de lunettes ou de prothèse auditive pour compenser. Pour l’instant je suis en pleine forme mais j’essaye de me projeter dans 10 ans. Serais-je encore capable de voler en sécurité à plus de 80 ans ?

Ralentir

Je pense au safety pilot, mais le sentiment de liberté n’est pas le même quand on vole seul ou accompagné, en particulier d’un autre pilote. Et pas facile, lorsqu’on a la chance de pouvoir voler dès que la météo le permet, de toujours trouver quelqu’un pour vous accompagner. J’arrive vite à la conclusion qu’il faut RALENTIR. Ça tombe bien, diminuer vitesse et poids, lorsque c’est possible, est primordial pour réussir notre transition énergétique. 

Plus de mon âge

Le paramoteur, dorénavant autorisé en Suisse, comme le pendulaire s’ils sont électriques, me tente. Mais après quelques décollages sans vent, mon dos et mes rotules me font comprendre que courir avec 35 kg sur le dos n’est plus de mon âge. Je décide d’ajouter des roulettes et échange mon parapente contre une aile delta afin de pouvoir plus facilement voyager seul d’aérodromes en champs d’aviation. Ayant fait du delta entre 1974 et 77 ça me rappelle ma jeunesse ou plutôt « quand j’étais plus jeune » car jeune on essaye de le rester jusqu’à la fin.

Coup de coeur

Dès la fin des restrictions du Covid je trouve (difficilement) une école pas trop loin de chez moi et débarque à Belleville-Pizay chez Samir où l’excellent Pierre-Jean me fait découvrir un nouveau domaine de vol et des sensations que je n’avais jamais connues en 50 ans de vol. D’être pendu dans le ciel, en contact direct avec l’air, ressentir physiquement sa vitesse, même si j’ai fait du delta et du parapente, c’est une révélation, un coup de coeur.

Mon dernier aéronef

Brevet pendulaire en poche je passe l’équivalence suisse avec Ales Hubacek, instructeur et concepteur génial de mon paramoteur qui peut facilement être converti en trike. Léger, tout en titane, avec un centre de gravité très bas et une garde au sol qui fait penser au Quicksilver, j’adore. Je lui achète une Samson-19 d’occasion pour me faire la main avant d’avoir assez d’expérience pour choisir une aile plus performante.

Tests et ajustement

Très vite je me rends compte que le moteur de 12 kW est trop juste pour décoller sereinement de mon aérodrome (LSGT), bordé de chaque côté de la piste par une colline et des arbres. Ales me l’échange contre un 16kW et j’ajoute 2 batteries de 3.1 kWh chacune (soit au total 9,3 kWh) pour atteindre mon objectif de voler 1 heure après être monté à 300 m/sol et en gardant 15’ de réserve pour l’atterrissage. Je n’y arriverai qu’après avoir testé différentes hélices pour finalement trouver chez E-prop une excellente bipale de 150 cm et une nouvelle aile.

Hélice et vaches 

Cette hélice est une véritable oeuvre d’art que je ne manque pas de mettre entre les mains de mes amis pilotes d’avion. Je ne sais pas ce qui les fait le plus réfléchir: le poids, le prix ou l’élastique qui assure l’écrou de la vis qui la maintient à l’axe du moteur. Je ne résiste jamais au plaisir de leur apprendre que cette élastique est vendue au mètre à la coopérative agricole du coin et sert entre autres à attacher la queue des vaches durant la traite. 

Nouvelle aile

Ayant acquis assez d’expérience je me mets à la recherche d’une aile plus performante qui me permette de voyager. Prendre le temps de découvrir l’Europe à 300 m/sol et 60km/h en étant autonome, avec une petite tente et en transportant mes chargeurs, a toujours été un objectif primordial. Très vite une aile s’impose, la Combat 12T d’Aeros. Mais elle est ukrainienne, fabriquée à Kyiv et nous sommes en été 2022. Je prends contact avec l’importateur suisse qui m‘apprend que l’usine n‘a fermé que 2 semaines au début de la guerre et que, si je ne suis pas trop pressé, je peux passer commande. Je le fais immédiatement en choisissant les couleurs ukrainiennes et en demandant que le nom de leur pays, que certain voulait faire disparaitre, apparaisse sous l’aile. Même si je ne la reçois qu’une année plus tard, je ne serais pas déçu, bien au contraire.

N’ayant jamais été montée sur mon chariot, le 1er vol est un peu stressant, mais tout se passe bien, la position du trapèze est parfaite, me laissant assez de débattement en piqué et en cabré. Je personnalise les winglets, ajoute son no d’identification (mon no de licence de la Fédération suisse de vol libre) et trouve une couturière (Marie-Gaëlle de Scorpio) capable de  faire une bâche sur mesure pour protéger des intempéries moteur, contrôleur et batteries. L’autre avantage de cette aile est qu’elle peut être  repliée tout en la laissant montée sur son chariot et que, double surface, je peux à l’intérieur de l’aile stocker du matériel léger.

Comme bagage le plus lourd, les chargeurs (5 kg) dans des petites sacs fixés sur les côtés (5€ chez Decathlon), sinon une petite tente attachée au siège sous les genoux, un sac de couchage et un matelas à l’intérieur de l’aile et, dans un petit sac à dos fixé sous le moteur, quelques vêtements chauds et sous-vêtements de rechange, à boire et à manger pour 24h ainsi que les câbles et chargeurs pour la radio, le casque, la camera, l’iPhone et un mini iPad avec SkyDemon. J’emporte également un mini PC portable pour transférer les vidéos de ma caméra (Insta360X3) sur un disque SSD et en cas de besoin pouvoir me connecter aux batteries et au contrôleur. Je n’ai alors besoin que d’une prise 230v pour être complètement autonome. Ma trousse à outil est constituée en tout et pour tout de 2 clés pour démonter l’aile du chariot en cas de besoin et (bien sûr) d’un couteau suisse. Je n’ose pas imaginer tout ce j’aurais dû prendre avec un 2T. En plus d’un vario-GPS avec Flarm (Oudie-5) j’emporte une balise Spot. Deux vols à pleine charge me confirment que si les distances de décollage et d’atterrissage ainsi que la vitesse de décrochage sont très légèrement supérieurs avec ces 15 kg supplémentaires, ce n’est pas du tout critique et mi-juillet je suis prêt à partir

Dans un prochain article je vous propose de partager mes coups de cœur, coups de gueule et expériences vécues lors d’un premier voyage effectué l’été dernier avec mon étonnant “déambulateur volant”, qui est tout sauf réservé aux “moins jeunes” : 1000 km en 22 étapes de Gruyère à Kyjov en République tchèque.
A bientôt et bons vols.