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1000 km en ULM pendulaire électrique – partie 4

Wildberg – Kempten-Lachen

Il est samedi, Wildberg est une sympathique petite base ULM dans une région magnifique située au Nord de Lindau sur le lac de Constance. Deux pilotes se partagent des baptêmes de l’air à bord de leur Remos. Je mets mes batteries à charger, replie mon aile et la protège avec sa bâche.

Après une bonne pizza j’apprécie le confort de ma minuscule tente et savoure tout simplement le moment présent. Alors que la nuit a été calme, au lever du jour, surpris, je suis réveillé par le bruit du vent sur ma tente. Impossible de décoller. Vers 11 h le vent au sol s’est un peu calmé mais dès que je suis en l’air il est toujours aussi fort et les thermiques sont bien établis. Je décide néanmoins de continuer et mets le cap à l’Est en cherchant l’altitude la moins turbulente. 

Après avoir battu mon premier record de vitesse, 108 km/h au lieu des 60 habituels, je m’annonce 5 minutes avant d’arriver à l’aéroport régional de Kempten-Durach. Deux pistes se croisent, mieux vaut ne pas se tromper, le trafic est intense en ce beau dimanche ensoleillé. Je suis scrupuleusement le tour de piste sur Skydemon. Dans la vent-arrière la vitesse est encore de 100 km/h. Je me méfie et tourne en base sans attendre. Heureusement près du sol le vent est laminaire et la finale pas trop turbulente. Je me pose comme une fleur sur quelques mètres et roule jusqu’au parking, heureux d’avoir bien géré ce vol un peu stressant.

Je vais rester 4 jours dans cette petite ville sympathique car la météo ne me permet pas de continuer. Je loue un vélo pour visiter la région, trouve une chambre d’hôte et pour mon trike une place dans un hangar à côté des girocoptères d’une joyeuse équipe de pilotes allemands en ballade.  

Kempten – Peiting

Le ciel est couvert et le vent toujours fort mais il souffle heureusement dans la bonne direction. Les giros rentrent chez eux à l’Ouest et je continue toujours vers l’Est.

Peiting est une base ULM très basique, sans électricité, perdue au milieu de la campagne dont l’approche est réputée difficile en raison des turbulences d’une forêt bordant la piste. Les 48 km vont être parcourus à la vitesse moyenne de 80 km/h. Sur le trajet, des routes aux méandres surprenantes et des champs de panneaux solaires qui de loin ressemblent à des étangs.

A l’arrivée, une grange et un bureau C qui fait penser à un ranch de film de Far-West. Évidemment pas un chat à l’horizon. Je m’occupe de ma brave trapanelle puis pars à pieds vers une auberge à 1 km. Après un bon café et avoir réservé une chambre je reviens chercher mes batteries. Coup de chance, un ULM vient d’atterrir et une voiture l’attend. Après avoir fait la connaissance du pilote, le mécanicien, venu faire une maintenance, accepte de me ramener à mon Gasthof avec mes batteries. Et le soir, comme repas d’anniversaire, je m’offre un Wienerschnizel, à peu près le seul choix du menu. 

Peiting – Warngau

Le lendemain matin le vent est trop fort pour décoller mais je veux être prêt à partir et, pour ramener mes batteries à l’aérodrome, je fais du stop et … attends plus d’une heure, surpris que le stop ne fonctionne pas aussi bien qu’en Suisse. Je le remarquerai également en Autriche et en Tchéquie. Finalement une petite voiture avec 3 jeunes s’arrête. Je leur explique mon besoin et ils m’accompagnent gentiment jusqu’à mon ULM, très surpris qu’on puisse voler et venir de si loin avec un engin pareil. Ils me quittent avec, me semble-t-il, un brin d’incrédulité et peut-être d’envie pour cet original qui pourrait être leur grand-père.

Alors que dans l’après-midi je me fais à l’idée de ne partir que le lendemain, le vent au sol diminue mais reste fort en altitude. J’hésite, puis finalement prends la décision de décoller. 

Dès que je suis en l’air de fortes turbulences me secouent méchamment. Je prends de l’altitude mais m’arrête de monter dès que possible car j’ai un long vol jusqu’à Warngau, un petit aérodrome privé, normalement interdit aux aéronefs extérieurs, où j’ai obtenu l’autorisation d’atterrir. Le ciel est couvert mais le soleil arrive parfois à percer les nuages. La lumière, sublime, baigne de vastes pâturages entrecoupés de forêts et parfois des zones humides aux dessins étonnants. 

J’atterris après une heure de vol et ma plus longue étape (64 km) tout en gardant une réserve d’énergie de presque 20%. L’accueil est chaleureux. L’aérodrome est géré par un petit club ne possédant que 2 Cessna 172 volant principalement le weekend. On m’offre une place dans leur hangar où je dormirai à l’abri la première nuit car des orages sont annoncés. Warngau est un charmant petit village typiquement bavarois aux maisons magnifiquement préservées et décorées.

Le dimanche en me promenant je tombe par hasard sur une magnifique église perdue en pleine campagne. Les paroissiens, certains en « Lederhose », pantalon court traditionnel, y viennent le plus souvent à pieds ou en vélo.

A l’intérieur une fresque étonnante qui rappelle une époque que les Anciens n’ont pas oublié.

Comme la météo s’améliore, le 3ème jour, au petit matin, je décolle toujours plein Est pour Vogtareuth.    

Warngau – Vogtareuth – Schönberg – Mühldorf

Il est très tôt, la lumière est magnifique. Peu après le décollage je passe à la verticale de l’église visitée la veille. Après 30’ de vol, j’arrive à la verticale de l’aérodrome de Vogtareuth. Comme j’ai un bon vent de dos, après un bref calcul, je décide de continuer jusqu’à Schönberg, ce qui me fera à nouveau une étape de plus de 60 km. Il s’agit d’une petite piste et d’un hangar perdu au milieu de la campagne. Il n’y a personne. Je vais frapper à la porte de la maison la plus proche en leur demandant si je peux recharger mes batteries. Ils acceptent volontiers. Finalement le gérant de l’aérodrome arrive. Comme c’est vraiment un endroit perdu je décide, dès mes batteries rechargées, de continuer sur Mühldorf 35 km plus au Nord où on m’a donné les coordonnées du propriétaire d’une école d’ULM qui souhaite me rencontrer.

Après avoir décollé je passe immédiatement sur la fréquence de Mühldorf. Il y a beaucoup de trafic. Dès que je suis assez près je m’annonce. Comme sur tous les aéroports contrôlés la tour ne trouve pas mon immatriculation dans leur base de données. Je rappelle la contrôleuse, visiblement empruntée, en lui précisant que je suis un « swiss electric hang-glider » pour qu’elle sache que je suis lent (pas seulement parce que je suis suisse ;-). Elle me donne la piste en service et demande de m’annoncer au début de la vent arrière main gauche. Comme sur Skydemon la vent arrière pour les microlight est une main droite, je lui demande de confirmer. J’ai bien compris et fais comme d’habitude une approche sans moteur sur ce magnifique aéroport régional. Ulrich m’attend. Très sympa il me trouve une place dans un hangar, un endroit pour dormir et un vélo. Et c’est en pédalant sous la pluie que je rejoins mon hôtel, fatigué mais heureux d’avoir avancé aujourd’hui de près de 100 km. 

Je passerai la journée du lendemain avec Ulrich, qui a une longue expérience des pendulaires. Importateur d’Air Creation pour l’Allemagne, expert pour la fédération allemande, il doit contrôler un ULM sur l’aérodrome de Pfarrkirchen, ma prochaine destination. Le soir pour le remercier de son accueil je l’inviterai dans un restaurant grec avec sa femme Heike, également instructeur ULM 3 axes.

Mühldorf – Pfarrkirchen

Le matin suivant la météo est plus mauvaise que prévue et ce n’est que dans l’après-midi que je pourrai partir pour le terrain de vol à voile de Pfarrkirchen, un vol court de 40’. Comme il est prévu des orages dans la nuit, je trouve de la place sous un abri à côté du treuil utilisé pour faire décoller les planeurs. 

Je connecte mes chargeurs à une prise repérée la veille et m’en vais manger dans le restaurant le plus proche, encore un italien. Durant la nuit les nombreuses et violentes averses me font apprécier mon couvert.

Pfarrkirchen – Vilshofen

Le lendemain matin le ciel se dégage. Au sol, calme complet. J’appelle plusieurs fois l’aérodrome de Vilshofen mais personne ne répond au téléphone. Comme il n’est pas PPR je décide de décoller. La météo prévoit pas mal de vent mais je commence à en avoir l’habitude. Je ne me méfie pas que le terrain, légèrement en contrebas de la plaine, est protégé du vent. Je décolle confiant et à 50 m/sol je réalise mon erreur. Jamais je n’ai subi de telles turbulences. Je me bats pour prendre un peu d’altitude en espérant que plus haut cela se calmera un peu. Et c’est heureusement le cas. 113 km/h mon record de vitesse est battu mais je ne suis pas fier. Le vent dépasse 50 km/h, soit presque la vitesse de croisière de mon pendulaire. Même s’il est dans le bon sens j’ai largement dépassé la limite que je m’étais fixée.

J’arrive en moins d’une demi-heure en approche de l’aéroport régional de Vilshofen et m’annonce à la radio. On me répond que je ne peux pas atterrir car l’aérodrome va fermer le soir même et qu’ils ne sont pas équipés pour accueillir un aéronef électrique. Je leur réponds que je n’ai besoin que d’une prise 230v et que j’attendrai le temps qu’il faudra pour redécoller. Je tourne en base puis en finale. L’approche, le long du Danube, est magnifique mais je n’ai pas vraiment le temps d’en profiter car sous le vent de la colline qui borde l’aéroport, les turbulences sont violentes puis plus bas ça se calme. Pour une fois je fais mon approche au moteur jusqu’au seuil de piste et atterris impeccablement à la hauteur de la tour sur cette magnifique piste en dur, heureux mais pas fier d’avoir mis à nouveau à contribution mon ange gardien.

Bien heureux d’avoir retrouvé sain et sauf le plancher des vaches, je me dépêche de plier mon aile car le ciel se fait menaçant et je me rends à la tour de contrôle. L’accueil y est glacial. On m’annonce que les ULM pendulaires sont interdits, que je ne peux pas passer la nuit ici car l’aérodrome sera fermé le soir-même, un grand concert étant prévu le lendemain. Lorsqu’on me fait remarquer que le parking n’est pas gratuit et qu’on me demande sur un ton qui ne laisse aucun doute sur leurs préjugés, si je sais ce qu’est un NOTAM, je comprends immédiatement qu’ils s’imaginent que pour voler avec un engin comme le mien il faut, soit être incapable de piloter un avion (un vrai), soit ne pas en avoir les moyens, probablement les deux. 

Le vol a été difficile et je ressens encore les effets de l’adrénaline. Je ne réponds pas, laisse un silence pesant s’installer et, pour me calmer, prépare mentalement en anglais ma réponse : « Sir, je vole depuis plus de 50 ans. J’ai une PPL avion, planeur et hélico. Avant de piloter cet ULM j’avais un Piper Comanche avec lequel j’ai fait le tour du monde. Alors oui je sais ce qu’est un NOTAM, mais sur le vôtre il n’est pas indiqué que je ne peux pas passer la nuit ici. Et montrez-moi où il est noté que votre aéroport est interdit aux ULM pendulaires. Un conseil : la prochaine fois que vous verrez sur votre bel aéroport atterrir un aéronef électrique, aussi léger soit-il, soyez plus respectueux et curieux car dites-vous bien qu’il est davantage le futur, votre futur, que tous les Cessna et Piper qui dorment dans vos hangars ». 

Mais à quoi bon. Dans le déni des changements inévitables qui nous attendent, ils ne comprendraient sûrement pas. Finalement, calmé, je me contente de leur répondre : « Je vais boire un café, si dans une demi-heure vous n’avez pas trouvé une place pour mon minuscule trike, je le pousse hors de votre aéroport et le laisse sur le parking public au milieu des voitures ».

Lorsque je reviens, le ton a changé. On m’a trouvé une place dans un magnifique hangar tout neuf rempli d’avions plus beaux et chers les uns que les autres et où je peux même laisser sans surveillance mes batteries en charge.

Calmé et rassuré je pars en ville chercher à me loger. Ce n’est pas facile à cause du concert mais finalement je trouve une petite pension sympa. Je ne le sais pas encore mais, à cause de fronts orageux qui vont se succéder, je vais rester une semaine dans cette ville sympathique mais dont on a vite fait le tour. Je me console en me disant que j’aurais pu rester bloquer dans un endroit bien moins agréable et je pars en excursion, en train car à nouveau le stop ne marche pas, jusqu’à la jolie ville frontière autrichienne de Passau toute proche. Le lendemain a lieu l’arrivée du tour cycliste organisé par la TV bavaroise et le soir le grand concert gratuit sur l’aéroport.

Vilshofen – Sonnen

Après une semaine de très mauvais temps, la météo s’améliore. Sonnen (EDPS) ma prochaine destination est l’aérodrome le plus élevé d’Allemagne (822 m.). Son approche est particulière avec, au seuil de la piste 02 en forte montée, une énorme gravière. Mieux vaut ne pas être trop court. Comme l’aérodrome se situe sur une colline, les vents peuvent être forts et donc les turbulences, provoquées par cet énorme trou, surprenantes. Je me méfie et fait une approche haute.

Tout se passe bien, mais je comprends alors pourquoi le chef de place voulait absolument être présent. En fin de journée quelques pendulaires et un Weedhopper atterrissent. Ce sont des habitués qui, chaque vendredi soir, viennent manger leur « Wienerschnitzel » avant de rentrer au crépuscule à leur base. Je reste seul à dormir sur place. 

Au matin, difficile de savoir dans quelle direction décoller car le vent déjà fort est plein travers. Je choisis de partir à la descente et me fait à nouveau violemment secouer au-dessus de la carrière dont je peine à m’extraire. Puis je reprends la direction de l’Est, ma prochaine destination est Frymburk en République Tchèque.

Dans le prochain article je vous raconterai la fin de mon périple, une étape en Autriche et une magnifique surprise en Tchéquie qui restera un des moments forts de mon voyage.  

A bientôt et bons vols

Trajet Gruyère-Kyjov